Dynamiques des politiques d'assistance sociale en France et en Europe. Le non-recours et la lutte contre le non-recours comme enjeux d'action publique
Thèse soutenue par Pierre GRAVOIN le 12 septembre 2025 à l'Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis
Directeurs de thèse :
Nicolas DUVOUX, Professeur, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis
Antoine TERRACOL, Professeur, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis
Discipline : sociologie.
Jury de thèse :
Guillaume ALLEGRE, économiste à l’OFCE
Axelle BRODIEZ-DOLINO, directrice de recherche en histoire au CNRS
Olivier GIRAUD, directeur de recherche en science politique au CNRS
Muriel PUCCI, Maîtresse de conférences en sciences économiques à l’Université Paris 1
Héléna REVIL, Professeure HES associée en science politique à la Haute école de travail social de Genève
Résumé de la thèse
Cette thèse porte sur les minima sociaux en Europe, le non-recours et les transformations contemporaines de l’assistance sociale. Réalisée dans le cadre d’une convention Cifre avec le Secours catholique, elle s’appuie sur une démarche interdisciplinaire et collective, mobilisant méthodes quantitatives (comparaison internationale, enquêtes d’opinion, quasi-expérimentation) et qualitatives (entretiens, ethnographie, archives associatives).
La première partie est une économie politique comparée des revenus minima garantis à travers les pays de l’Union européenne. Elle met en évidence des différences persistantes entre pays, tant en termes de montants que de structures normatives, confirmant la pertinence des régimes d’État-providence (chapitre 1). L’analyse des enquêtes d’opinion montre une forte cohérence entre institutions et représentations sociales : les citoyens partagent des visions proches selon leur régime de protection sociale (chapitre 2). Une étude quasi expérimentale sur l’Allemagne de l’Est et de l’Ouest illustre comment des trajectoires institutionnelles divergentes laissent des empreintes durables sur attitudes et comportements, soulignant le rôle structurant de la socialisation institutionnelle (chapitre 3).
La seconde partie s’ancre dans une sociologie politique qualitative afin d’analyser la mise à l’agenda du non-recours en France. Un premier chapitre retrace l’appropriation progressive de cette notion par le Secours catholique, devenu acteur central de sa reconnaissance comme problème public (chapitre 4). Deux enquêtes collectives portent sur les politiques actuelles : la genèse de l’expérimentation des « Territoires zéro non-recours » (chapitre 5), avec Antoine Rode, et une réflexion ex ante sur la réforme de la Solidarité à la source (chapitre 6), avec Rémi Le Gall. Elles montrent comment associations, administrations et responsables politiques contribuent à recadrer les politiques sociales, non sans tensions entre logique de contrôle et souci d’accès aux droits.
Cette recherche apporte plusieurs contributions. Sur le plan empirique, elle met en lumière la diversité des minima sociaux en Europe et l’émergence du non-recours comme cadre central de l’action publique. Sur le plan théorique, elle articule économie politique et analyse cognitive et relationnelle. Sur le plan méthodologique, elle illustre la fécondité d’une démarche mixte, combinant comparaison internationale, quasi-expérimentation et enquête partenariale avec des acteurs associatifs. Enfin, sur le plan normatif, elle met en évidence les tensions de la démocratie sociale contemporaine.
En définitive, la thèse montre que le non-recours est un fait social total : il ne se réduit ni à une défaillance individuelle ni à un défaut administratif, mais révèle les structures sociales, les représentations collectives et les tensions qui traversent l’État social. À ce titre, il constitue un outil d’analyse privilégié des transformations de la protection sociale contemporaine.