La transformation de la frontière franco-britannique dans le contexte du Brexit : réaménager les espaces frontaliers dans le détroit du Pas-de-Calais

Le 1er janvier 2021, des contrôles douaniers et sanitaires sont introduits à la frontière entre la France et le Royaume-Uni pour toutes les marchandises britanniques entrant sur le territoire de l’Union européenne. Cet événement constitue l’aboutissement d’une séquence ouverte le 23 juin 2016 avec le référendum sur le Brexit outre-Manche et marque une étape majeure de la "refrontiérisation" franco-britannique. La construction de bâtiments de contrôle, le recrutement massif d’agents des douanes, de vétérinaires et policiers et la prévention du risque de congestion des axes routiers ont induit une politique de réaménagement des espaces frontaliers dans le nord de la France et au sud de l’Angleterre. Le détroit du Pas-de-Calais occupe une place centrale dans ce dispositif car il s’agit non seulement de la zone traversée par la majorité des flux transfrontaliers de marchandises et de passagers – via les ports de Calais, Douvres, Dunkerque et les deux terminaux du Tunnel sous la Manche – mais aussi une aire de coopération historique pour les collectivités locales du Kent, du Nord et du Pas-de-Calais.

Cette thèse de doctorat en aménagement du territoire propose un état des lieux des transformations de la frontière franco-britannique à l’heure du Brexit. À l’aide des outils et des concepts proposés par le champ interdisciplinaire des Border Studies, nous étudions les pratiques spatiales des administrations, des collectivités et des opérateurs économiques de part et d’autre du Détroit avant et après le 1er janvier 2021. Pour ce faire, nous nous appuyons d’une part sur une typologie inédite des formes d’aménagement des espaces frontaliers français et britannique et d’autre part sur des méthodes principalement qualitatives de recueil et d’analyse des données.

Ce travail de recherche est structuré en quatre parties. Après un état de l’art et une présentation de la méthodologie (1), nous proposons une analyse des trois formes d’aménagement identifiées. L’aménagement de la frontière (2) correspond aux pratiques visant l’introduction et la spatialisation de nouvelles fonctions de contrôle frontalier compatibles avec la préservation de la traversée fluide de cette frontière. L’aménagement à la frontière (3) renvoie aux stratégies territoriales des acteurs publics et privés confrontés à une refrontiérisation à laquelle ils sont extérieurs. Enfin, l’aménagement sur la frontière (4) recouvre les activités de création et de modification des organisations qui enjambent ou transcendent les frontières nationales et qui sont souvent le fruit de la coopération entre acteurs institutionnels.