De minimis : les petites causes en droit de l'Union européenne

Aides d'Etat, concurrence, contentieux, libertés de circulation et marchés publics

> Droit européen.

Le principe de minimis, qui trouve ses origines dans le droit romain, s’applique-t-il au droit de l’Union européenne au même titre que d’autres principes anciens tels que le principe de continuité des structures juridiques reconnu par la Cour de justice ?

Une réponse générale ne peut être apportée à cette question. Il convient en effet de se demander concrètement si le droit de l’Union européenne s’applique au traitement des petites causes en fonction de la finalité de chacune des actions et politiques de l’Union européenne.

Ainsi, dans le cadre du marché intérieur, on verra que le principe de minimis trouve sa place dans l’appréhension des pratiques anticoncurrentielles et des aides d’État par la fixation de seuils variables dans le temps, alors que ce même principe fait l’objet d’une position de rejet, en vertu de la jurisprudence de la Cour de justice, qui considère que les entraves, fussent-elles minimes ou de faible ampleur, tombent toujours sous le coup des libertés de circulation.

Les politiques européennes appliquées en matière d’environnement, de marchés publics, d’agriculture, d’union économique et monétaire, se prêtent toutes, dans une certaine mesure, à l’application de seuils en deçà desquels les contraintes qui en résultent pour les opérateurs économiques ne s’appliquent pas. La logique qui préside à la fixation des critères applicables doit être explicitée en tenant compte de la finalité de chacune des actions menées.

L’application du principe de minimis non curat praetor aux procédures contentieuses soulève des questions qui se rapportent à l’adage selon lequel le magistrat ne doit pas traiter des causes insignifiantes. Un tel principe a-t-il sa place dans le contentieux de l’annulation des actes des institutions de l’Union européenne alors que le caractère objectif qui s’y rapporte paraît s’y opposer ? Le recours en responsabilité mettant en cause l’Union européenne, de caractère subjectif, pourrait y être plus réceptif. C’est le recours en constatation de manquement contre les États membres qui pourra, en fonction de l’importance des violations commises, se prêter le plus à l’application du principe de minimis. En cas d’invocation d’un tel principe par l’une des parties, il appartiendra enfin aux juridictions nationales de trouver la juste mesure des exigences de protection effective des titulaires de droits tirés du droit de l’Union européenne.

La protection des droits fondamentaux ne paraît a priori pas permettre de négliger les petites causes en raison du caractère impératif et absolu que l’on attache à la fondamentalité mais la mise en oeuvre du système révèle inévitablement des variations d’intensité de la fondamentalité et des formes diverses de tolérance de violation de tels droits.

  • Les auteurs

    Sous la direction de Fabrice Picod.


    Avec la participation de Claude Blumann, Emmanuelle Claudel, Massimo Condinanzi, Édouard Dubout, Louis Feilhes, Ninon Forster, Francesco Martucci, Fabrice Picod, Stéphane de la Rosa, Nicolas de Sadeleer, Eric Barbier de la Serre, Jonathan Wildemeersch.